Dépôt des Rêves de Douglas Lucas

Dernière modification: février 16, 2023

Le monde de Douglas Lucas est comme celui où nous habitons, il y a juste la peau qui change. Entre des filigranes et du ferrage, l’artiste respire quotidiennement. Dans chaque nouvelle pièce, il nous offre une aventure de création liée avec le temps. Dans un processus rapide où il se fond avec sa vaste imagination, à l’intérieur, il conforme la pièce qui est tombée dans les « filets » de son talent. Les formes d’objets et d’animaux qui passent devant ses yeux sont interprétées par le créateur en versions originales, magnifiques, qui portent sa marque.

Un jour, il y a longtemps déjà, il s’est éveillé à l’art ; il a été séduit par les métaux dès l’étape où il travaillait la ferblanterie qui, petit à petit, a montré le chemin à l’ancien technicien qui un jour, encouragé par sa femme, a orienté toutes ses aspirations vers l’art. Il n’oublie jamais la première pièce : ce fil machine qui s’est transformé en cheval avec des filigranes. À partir de ce moment-là, son « trot » artistique ne s’arrête pas, et traverse les sites les plus difficiles.
Douglas Lucas (La Havane, 1970), autodidacte dans ces chemins de la création, est actuellement l’un des artistes du volume les plus authentiques. Il s’est tellement dévoué à son travail qu’il a obtenu de nombreux prix dès le début, par exemple les Prix dans de différentes éditions de la Foire Internationale d’Artisanat FIART, de Cuba. Un fait qui l’a énormément surpris parce que cela n’a jamais été parmi ses désirs et ses pensées ; mais il les gagne grâce à l’originalité et l’adresse de ses œuvres : des carrosses ou des « appareils », comme il a l’habitude de les nommer, qui semblent être arrivés d’une autre dimension créative…

L’artiste montre un intérêt particulier par tout ce qui est colonial et historique. Des calèches, des armures, des candélabres, des locomotives, des tables, des lampes, et beaucoup de détails d’autres époques, notamment du Moyen ge, occupent des positions dans les objets qui semblent venir d’autres temps. Il n’y a pas de magie. L’art vient du plus profond quand l’artiste est animé par son talent. Car quand l’invention poétique-artistique incisive joue avec la réalité et s’approprie de ses images, en les interprétant depuis sa propre perspective, le résultat peut être d’un impact psychologique énorme. Rêver, imaginer, essayer avec les formes, jouer avec le monde qui nous entoure, contraster des matières, des textures et tout ce qui est divers, sont des caractéristiques qui émergent lorsqu’on rentre en contact avec l’œuvre du sculpteur Douglas Lucas.

Dans l’espace de fantaisie du sculpteur, une galerie fascinante d’objets qui jouent même avec l’esprit du spectateur dans leur paysage capricieux, celui qui défie même la logique ou la loi de gravité, respire depuis plusieurs années. De ces appareils/machineries/inventions sculpturales… qui batifolent depuis le volume et dansent devant nos yeux dans son monde impossible, émerge un conte de fées qui dépasse l’imaginable et fournit très peu de clés par rapport à l’histoire réelle.

Dans un long chemin parcouru à la recherche d’une personnalité sur le fer, le métal, pour être plus vaste, il a trouvé la base de ses créations. Celles qui dans des expositions, des foires et de nombreuses rencontres, éblouissent les regards soit par l’originalité et l’extravagance de ses dessins, soit par la finition ou tout simplement par la spontanéité des formes quand elles traversent l’espace… Ce n’est pas par hasard que, dans une occasion, le prestigieux sculpteur et professeur, déjà décédé, Ramón Casas, a dit : « L’approche à l’œuvre de Douglas Lucas permet de reconnaitre la maitrise pleine de nombreuses matières avec lesquelles il réussit à créer, avec une expression très personnelle et cohérente. Sa constance, rigueur et son sérieux le distinguent en tant que sculpteur ».

Actuellement, nous pouvons profiter dans son studio d’un espace vital et fréquenté, où ses créations vibrent en plein dialogue avec le va-et-vient d’un public toujours présent. Le studio, portant son nom : Douglas Lucas, se trouve 102 Boulevard San Rafael entre Industria et Consulado, à Centro Habana. Là-bas, dans l’endroit magique jouant le rôle de dépôt des rêves de Douglas, l’on pourra éprouver la charge expressive, directe et honnête de celui qui récupère tous les jours une cosmovision attachée à la terre, aux principales expériences humaines. Parmi les sculptures qui affleurent comme des fruits de ces derniers temps créatifs de l’auteur, l’on peut trouver des réalisations d’orfèvrerie (luminaires, utilitaires, décoratives…) qui portent la charge, le poids, l’amour et la versatilité créatrice et talentueuse de l’artiste.

Toni Piñera
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Toni Piñera (La Havane, 1953) – Journaliste plus de 30 ans au journal Granma, critique d’art et danse, professeur à l’Académie Nationale des Beaux Arts San Alejandro, commissaire d’expositions d’art cubain (ancien directeur de la galerie La Acacia, La Havane), poète.

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