Alberto Valladares

Alberto Valladares, l’Orfèvrerie de la Danse

Dernière modification: mars 3, 2023

Beaucoup de matières servent à construire les monuments, et celui qu’Alicia sculpte au ballet Giselle est immortel, il arrive du sentiment même. Pour cette raison, à ce jour encore, après avoir commémoré en 2020 le Centenaire de la danseuse phare, fondatrice avec Fernando et Alberto Alonso du Ballet National et de l’École Cubaine de Ballet, elle continue à naitre du talent et du travail de nombreux artistes des plus diverses manifestations et générations qui lui rendent hommage dans l’Art. Comme dans cette œuvre qui vient de la main d’un orfèvre et sculpteur qui avec ses créations nous rapproche des souvenirs, des émotions, et transparait, à travers son art, cette lumière qui danse.

Alberto Valladares (La Havane, 1962) est un artiste et orfèvre renommé, lauréat en différentes Foires Internationales d’Artisanat FIART, de Cuba, et dans d’autres rencontres, qui, depuis plusieurs années, a transporté la danse au métal. En pièces de bijouterie et de sculpture, la danse devient protagoniste de ses histoires créatives. Sa signature est reflétée dans des créations où l’argent, le bronze, le fer, le maillechort, l’agate, ainsi que le marbre noir, vert et de Carrare se sont transformés en art d’une grande valeur. Dans les sculptures, il réunit l’esprit lyrique du classicisme de la danse et la force tellurique de l’orfèvrerie (où le feu et le marteau ouvrent des chemins…). Il a tiré des exemples du ballet classique pour les fondre avec ses rêves : Giselle peut « danser » depuis sa main adroite avec des formes éloquentes, et La mort du cygne déchaine le lyrisme sur l’argent et le marbre. Son Carmen/Alonso déclenche l’intériorité sanguine de la femme amoureuse ; Coppelia est un spiral magique de tours vers l’infini qui dansent au rythme intense de sa créativité, tandis que Don Quichotte et Kitri reproduisent l’esprit de l’amour avec un cœur en métal pour deux… Son imagination n’a pas de limites. Il essaie avec les formes les plus osées et joue avec l’art et les substances les plus diverses. Et ses bijoux s’inspirent de ballets où Alicia a laissé des empreintes indélébiles. Reflejos del Lago, El amor de Dido, Taglioni in memoriam, Recuerdos de Cascanueces, et d’autres titres nomment des ensembles de boucles d’oreilles, des bagues, des pendentifs, des bracelets, des broches… où la fantaisie tutoie la réalité.

Cependant, ce n’est pas seulement la danse qui a dérobé son talent pour créer. L’artiste a étudié la bijouterie en autodidacte ; il s’est inscrit à l’Association Cubaine d’Artisans Artistes (ACAA) et, petit à petit son talent naturel a été modelé dans l’orfèvrerie dont il ne peut plus se détacher. Un coup de foudre qui lui a fait réaliser de nombreux rêves… Aujourd’hui, avec une longue expérience dans cet art, il aborde de nombreux thèmes dans ses œuvres : la flore, le paysage, l’architecture coloniale, des éléments de la ville…, tout sert à créer sur les métaux. Comme la série créée en 2019 à l’occasion de l’anniversaire 500 de La Havane, avec des symboles de la belle Ville de San Cristóbal de la Habana, qui sont posés dans les vitrines de son studio-atelier-bijouterie Praga, situé en plein Boulevard de La Havane (215 rue San Rafael, à l’angle de la rue Águila à Centro Habana). Son œuvre respire avec un mélange d’hier et aujourd’hui, du passé et du présent, comme un bloc monolithique. Des empreintes impérissables qui renaissent dans l’argent et dans beaucoup d’autres métaux où la ville est reflétée dans le temps, comme une glace qui rapproche l’autre réalité à travers l’art…

Il rachète depuis son imagination, comme des bijoux sortis d’une malle submergé à l’océan dans un ancien voilier, de nouvelles pièces qui contiennent les cinq siècles de la ville gravés. Ce sont des gestes imprimés en formes et tonalités de bijoux et d’objets où déambulent des fantômes, des souvenirs, des rêves qui dans ses mains sont transformés en une sorte d’histoires « sculptées » en argent, et sont façonnés dans une dimension artistique. Des morceaux de la ville des colonnes, des réminiscences de cloisons, de pleins-cintres, de vitraux, de masques et beaucoup d’autres éléments de l’époque coloniale échappés de l’architecture, le paysage, la danse, la quotidienneté, l’histoire, l’art dans toutes ses dimensions, respirent maintenant dans ses œuvres d’orfèvrerie cubaine pour habiller les goûts de femmes et d’hommes du XXIème siècle havanais. Elles parlent aussi de la lumière des Caraïbes qui les accueillit. Ce sont des pièces uniques en argent et en d’autres métaux qui révèlent un style propre à l’orfèvrerie cubaine qui fusionne les tendances traditionnelles et les plus contemporaines pour capter tous les regards…

Toni Piñera
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Toni Piñera (La Havane, 1953) – Journaliste plus de 30 ans au journal Granma, critique d’art et danse, professeur à l’Académie Nationale des Beaux Arts San Alejandro, commissaire d’expositions d’art cubain (ancien directeur de la galerie La Acacia, La Havane), poète.

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