Kadir López: Signos de la memoria

Kadir López, des Signes de la Mémoire

Dernière modification: février 13, 2023

Ils sont nombreux, les qualificatifs qui peuvent être donnés à l’œuvre de l’artiste Kadir López (Las Tunas, 1972). Sa maestria et sa créativité suivent un processus ascensionnel à l’avant-garde des arts plastiques cubains des dernières années. La raison est évidente. Son travail s’ouvre à la célébration verbale et, en même temps, consolide l’éloquent silence admiratif propre de toute grande œuvre.

Dans les tableaux de cet artiste – diplômé de l’Institut Supérieur d’Art (ISA) en 1995, de l’École d’Art de Camaguey en 1990 et du lycée d’art El Cucalambé (Las Tunas) en 1986 -, l’on trouve la composition définitive qui tant de fois inaugure des possibilités insolites. Son dessin, exquis, décanté dans la sécurité des lignes très fines, se déplie avec un caractère caléidoscopique dans la précision finale de certains traits et formes. Dans ses toiles et bristols, il étend de l’imagination et rassemble de symboles de l’histoire de l’art, de l’histoire sociale et culturelle de notre pays, et de son histoire personnelle avec maitrise et professionnalisme. Il essaie avec des formes, des mélanges et des couleurs… Dès le début, son œuvre a attiré l’attention de critiques, de collectionneurs et de galeristes pour devenir indispensable dans le panorama de la plastique cubaine contemporaine, où il est considéré l’un de ses plus reconnus marinistes. C’est l’un des essayistes les plus distingués dans l’art cubain d’avant-garde.

Les pièces que ce peintre, dessinateur et sculpteur a emmenées à la Foire de Los Angeles (États-Unis) en 2010, qui étaient la continuation de Signos (Signes), une série d’iconographies exhibées avec grand succès pendant la biennale de La Havane de 2009 à la galerie La Acacia, ont eu un démarrage international sans précédent. Dans ces travaux, l’artiste recrée son projet sur la base de l’individu et sa mémoire, comme une forme de défendre l’identité personnelle et sociale. L’originalité des pièces s’ajoutait aussi : elles étaient réalisées sur des supports de panneaux publicitaires originaux des années 50 du dernier siècle. Ceux-ci se fabriquaient à travers la gravure sérigraphique, mais au lieu d’utiliser les pigments traditionnels, l’on utilisait les techniques de la porcelaine cuite. Alors, les couleurs étaient cuites au four de façon indépendante après leur application sur l’acier, en couches différentes. Sur ce support en métal, Kadir peint, dessine, et réalise ses propres impressions avec des pigments de céramiques, des résines, des émaux et d’autres matières qui, grâce à leur nature, permettent la transparence des images photographiques de La Havane de cette époque-là. Ainsi surgissent ces Signos (Signes) extraordinaires qui touchent l’observateur.

Ces travaux ne constituent pas un clin d’œil à la mélancolie, à la nostalgie ou aux valeurs propres du passé récent. Ils partent de – et encouragent– la recherche sérieuse et audacieuse sur une époque qu’il faudrait scruter davantage afin de pouvoir mieux connaitre ses dérivations et déterminations dans la vie présente. Ils constituent un clair rappel pictural aux mécanismes de l’oubli. Ces œuvres cherchent à contribuer, d’une certaine manière, à partir de l’art, à la reconstruction d’une mémoire inconnue des nouvelles générations.

Ces pièces cherchent leur espace et le trouvent dans la raison et la pensée de l’observateur, indépendamment de son âge, comme si chacun de ces panneaux-tableaux, ou tableaux-panneaux, surgissait de la confluence de rencontres et d’évocations, de la fusion entre matière et conscience, du jadis et du maintenant, du ludique et du sagace. Alors, le projet établit un lien ou dialogue avec le publique, que Kadir essaie d’équiper avec des images et des objets qui appartiennent aux souvenirs, à son passé ou au passé de ses prédécesseurs. « La ville rentre dans le panneau qui l’a habitée autrefois. Chaque œuvre complète un cycle : passé, futur, présent ; et aussi, oubli, souvenir, mémoire… c’est comme l’infini », a dit le créateur.

Ses œuvres se trouvent dans d’importantes institutions comme : Collection Art Nexus, Bogota, en Colombie ; Institut d’Art de Sotheby, à Londres ; Collection Richard Guggenheim à New York ; Musée d’Art de l’Université d’État d’Arizona, Phoenix ; Musée d’Art Latino-américain d’Arizona ; Long Beach, Musée d’Art Cubain de Californie ; à Vienne, en Autriche ; Musée Rubin de New York, parmi beaucoup d’autres. À La Havane, ces pièces peuvent être admirées dans le studio-atelier Habana Light (Boulevard de San Rafael, Vielle Havane) et dans son studio Light House, avenue 47 No. 3430 entre 34 et 31, dans le quartier Kholy.

Toni Piñera
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Toni Piñera (La Havane, 1953) – Journaliste plus de 30 ans au journal Granma, critique d’art et danse, professeur à l’Académie Nationale des Beaux Arts San Alejandro, commissaire d’expositions d’art cubain (ancien directeur de la galerie La Acacia, La Havane), poète.

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