Alberto Lescay (Santiago de Cuba, 1950) est un créateur cubain contemporain qui a réussi à authentifier le langage des formes et des couleurs.
Pour le définir, il faudrait tout d’abord souligner la source typique et autochtone de son art, qui acquiert une signification très personnelle chez ce sculpteur, peintre et dessinateur qui a à son actif, parmi de nombreuses autres œuvres, la figure équestre qui se dresse sur la Place Monument à Antonio Maceo – il a dirigé l’équipe multidisciplinaire du projet- ; le buste du héros haïtien Toussaint Louverture, érigé au commencement de l’Avenue des Amériques ; tous les deux dans sa ville natale ; ainsi que des dizaines d’œuvres environnementales, aussi à Cuba comme à l’étranger. En 1995, il a créé la Fondation Caguayo pour les arts monumentaux et appliqués à Santiago de Cuba, dont il est le président.
Dans sa peinture, l’artiste marque de son empreinte des thèmes très cubains, proches de nos racines, en trempant ses pinceaux pour faire jaillir au grand jour ses visions personnelles des rituels magiques. Au fil du temps, la sculpture et la peinture se sont déplacées au sein du prisme créatif de Lescay. Même la sculpture, bien que volumétrique, a présenté certaines particularités gestuelles, à l’image de son travail pictural…
Son œuvre se veut le signe d’un monde extérieur en mutation et une réponse aux obsessions intimes, ainsi qu’une réflexion sur l’espace vital de l’homme. De son travail bidimensionnel et volumétrique (sculptures en bronze), se dégagent des sentiments et des goûts, ainsi que les caractéristiques d’une œuvre dans laquelle il y a eu, avec le temps, un rapprochement avec le Vaudou, avec les racines de notre nationalité, bien que les problèmes humains, en termes universels, aient été les thèmes favoris qui ont marqué sa sensibilité au fil des ans. Car il a tellement cherché à peindre l’esprit, l’intérieur, que parfois émergent des figurations, des compositions davantage orientées vers l’abstraction qui nous apparaissent quelque peu surréalistes, ou des environnements déterminés qui lui offrent finalement ce qu’il perçoit : peindre des sensations, les recréer, phénomène qui est en communion avec l’homme, du point de vue de son plaisir et de son monde spirituel. Ainsi, sa palette est proche tantôt du magico-religieux, tantôt des formes intemporelles de l’espace, l’artiste ne s’étant jamais contenté d’un thème spécifique.
Il y a, nous pourrions l’affirmer, trois Lescay : celui qui a étudié à l’École nationale d’art (ENA) ; celui qui s’est diplômé de l’Académie Répine à Saint-Pétersbourg (Russie) en 1979 ; et celui d’aujourd’hui, qui mélange dans son style la gestuelle, un rapprochement avec l’expressionnisme abstrait, la logique inconsciente de l’acte créatif, et parfois même un arrangement chromatique émotionnel – bien que lors de ces derniers temps ses tonalités soient plus festives, pas au point d’ajouter de la couleur pour la couleur mais plutôt pour se rapprocher des Caraïbes, car pour lui, « les Caraïbes ne se trouvent pas dans les tons mais dans l’atmosphère qui est transmise ». C’est pourquoi ces couleurs plutôt sombres sous certaines lumières sont caractéristiques de ses créations-. Il y a une sorte de correction dans la direction de son art, comme le même peintre a dit à plusieurs reprises.